Direction le Québec : rencontre avec le Professeur Damien Bouvier
Bonjour, je m'appelle Damien Bouvier, je suis actuellement Professeur des Universités – Praticien Hospitalier dans le service de Biochimie et Génétique Moléculaire du CHU de Clermont-Ferrand du Pr Vincent Sapin.
Durant mon parcours, j’ai eu la chance de réaliser une mobilité d’un an, de début septembre 2018 à fin août 2019, dans le service de Biochimie du CHU de Québec / Université Laval au Canada, sous la direction des Pr Yves Giguère et Jean-Claude Forest.
L’objectif principal de cette mobilité portait sur des missions de recherche en lien avec une thématique commune à nos deux équipes : la femme enceinte et l’enfant. Tirant avantage de l’accès à une cohorte québécoise de presque 8000 femmes enceintes et d’une biobanque associée (avec échantillons sanguins des mères et sang de cordon des enfants), 6 publications internationales ont émané de cette année, sur entre autre les thèmes de la rupture prématurée des membranes fœtales et de l’intérêt de la protéine S100B dans les complications neurologiques à la naissance.
De nouvelles collaborations scientifiques sont en cours. Il a également été enrichissant pour moi d’observer la pratique de la biologie médicale dans la province québequoise. Premièrement la spécialité "Biologie Médicale" n’existe pas au Québec. Un médecin peut se spécialiser en Biochimie Médicale, en Hématologie ou en Microbiologie. Dans les 3 cas, il peut avoir une activité de laboratoire et une acticité clinique (ex : infectiologue clinicien et microbiologiste médical). Deuxièmement, au Québec, la biologie médicale est dans la très grande majorité publique.
OPTILAB est un projet de réorganisation des laboratoires de biologie médicale québécois qui a débuté en septembre 2011. Auparavant offerts dans quelque 500 unités administratives, les services de biologie médicale ont été regroupés, au 1er avril 2017, pour former 11 grappes de service pour les 34 établissements du Québec. La grappe Capitale-Nationale pilotée par le CHU de Québec – Université Laval, lieu de ma mobilité, couvre un vaste territoire et les enjeux de biologie délocalisée sont évidents. Pour rappel, la province québequoise a une superficie proche du triple de celle de notre métropole.
Nos collègues sont entrés plus récemment que nous dans les méandres de l’accréditation ISO 15189 mais avec une lecture de la norme plus raisonnable que le COFRAC. Le dernier point intéressant à rapporter est le financement de la biologie médicale qui me semble beaucoup plus sain et juste que notre NABM qui selon moi a atteint ses limites. Le Ministère de la Santé provincial finance directement les grappes sur des critères objectifs d’activité afin de payer le personnel non médical (secrétaire, technologistes (terme local) …), automates, réactifs … Les médecins ne sont pas salariés du CHU mais obtiennent un droit d’exercer dans un centre hospitalier après accord du chef de service, du chef de département biologique (équivalent pour nous d’un chef de pôle), du directeur du centre et éventuellement du doyen de la faculté de médecine. Les médecins facturent directement leur activité à la régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
La majorité de leur revenu repose sur un forfait journalier de superviseur de laboratoire (pour un maximum de 195 jours par an). Des activités annexes peuvent aussi être facturées (activité clinique, interprétation de certains résultats biologiques, gardes …). Ce système a deux vertus : 1/ les biologistes québécois sont bien mieux rémunérés que les biologistes français (hors biologistes financiers) 2/ le système de santé n’est pas dévié vers la notion de bénéfices qui attirent certains investisseurs étrangers.
Au final, cette mobilité a été une aventure professionnelle et personnelle inoubliable puisque j’ai pu augmenter mon activité de recherche et me faire de supers amis.
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