Dr. Charlotte Guyon - Portrait d’une biologiste polyvalente chez BIOPTIMA et Présidente de CPTS
Bonjour Charlotte, pourrais-tu nous décrire ton parcours et pourquoi la bio en quelques mots ?
Bonjour, j’ai fait pharma à Lyon, et même si l’officine me plaisait j’ai eu envie d’aller au bout de la performance en passant le concours de l’internat et depuis le lycée j’ai toujours aimé la biologie. En plus, à Lyon, la biologie est assez privilégiée dans le cursus universitaire. J’ai d’ailleurs fait 4 semestres d’externat en 3e et 4e année dans les labos des HCL et ma 5e année HU en labo d’immuno.
J’ai fait mon internat de 2009 à 2013, 3 semestres au CHU de St Etienne, les autres aux Hospices Civils de Lyon et le dernier au CH de Bourgoin-Jallieu (Nord Isère). J’ai un profil polyvalent, sans spécialisation, ce qui était volontaire de ma part, ne voulant pas passer de M2 car la recherche et un parcours universitaire ne m’intéressait pas du tout; je suis plutôt dans le concret, la construction de projets et l’entreprenariat. J’ai fait toutefois 2 semestres en immunologie spécialisée (cytométrie en flux, déficit immunitaires et thèse en allergologie moléculaire).
J’ai un DU d’antibiothérapie et un DU Qualité. J’ai également fait pas mal de remplacements les samedis dans des labos privés pendant ma dernière année pour acquérir de l’expérience, surtout dans les prélèvements et dans le fonctionnement d’un site pré-post. C’était pour moi essentiel de faire cet investissement-là. J’ai ensuite pris un poste d’assistante spécialiste pendant 2 ans au CH de Bourgoin-Jallieu sur un plateau polyvalent en étant biologiste référente biochimie/qualité. Le poste était très complet car chaque jour un biologiste était en charge de la gestion entière du plateau avec validation biologique, lecture des lames d’hémato, des électro, gestion des problèmes, des pannes, des relations avec les médecins et un autre biologiste gérait la microbio, les 6 biologistes de l’équipe étant tous polyvalents. Il y avait des astreintes avec des déplacements fréquents la nuit et les week end pour des diagnostic de palu, des lectures de cyto de LCR ou des découvertes d’hémopathies avec relations directes avec les urgentistes.
Ceci m’a permis de réellement apprendre à gérer un plateau technique dans sa globalité et de manager une équipe d’environ 30 salariés. Le lien avec les cliniciens étaient très présents notamment avec les réanimateurs que nous allions voir tous les jours dans leur service pour discuter microbio/antibiothérapie pour chaque patient, mais aussi avec les gériatres, les internistes ... Nous avions développé une belle prestation de conseil, en organisant des réunions avec les cliniciens de différentes spécialités pour présenter des nouveaux marqueurs ou des logigrammes de diagnostic biologique, et le biologiste était écouté. J’ai plus appris en 2 ans que pendant tout mon internat (concrètement parlant). Je savais toutefois pertinemment que ce serait quasi impossible d’avoir un poste de PH dans les 6 ans à venir faute de moyen financier du CH.
Es-tu satisfaite d’avoir changé de voie pour le privé ?
Les freins administratifs et financiers, la lenteur dans la construction de projets dans le public étant particulièrement irritants pour moi et comme je ne suis pas du genre à attendre indéfiniment un pseudo-éventuel poste, j’ai finalement préféré m’orienter dans le secteur privé en commençant par un poste de TNS ultra-minoritaire en Haute Savoie chez Bio-Val pendant 2 ans de 2015 à 2016. Je préférais un laboratoire non détenu par des financiers et je n’ai pas eu de mal à trouver puisque Bio-Val étant en pleine croissance, il y a souvent des recrutements de bio et à l’époque le secteur n’était pas encore autant consolidé. J’ai cette fois ci géré le secteur de microbiologie avec pour mission de l’accréditer ainsi qu’un gros site pré-post ce qui était relativement nouveau pour moi (hormis mes remplacements pendant l’internat) surtout dans la relation avec le patient, les médecins généralistes et les IDE libérales. Le fait d’être TNS ne m’a pas posé de problème, puisque les conditions ont toujours été claires et correctes. J’ai découvert le réseau Les Biologistes Indépendants chez Bio-Val, et l’exercice de la profession dans l’indépendance financière m’a largement conforté dans mes convictions. On réfléchi à plusieurs bios selon nos domaines de prédilection, on décide, on finance, on avance.
J’ai eu par la suite l’opportunité d’intégrer Bioptima en 2017, labo indépendant du Nord-Isère, où j’avais fait des remplacements, avec une perspective de rachat des parts d’une biologiste dans les 3 ans, ce qui m’a motivée dans mon choix de changer de laboratoire, puisque j’avais très envie de m’investir pleinement dans une structure et de la développer. Cette fois ci j’ai été embauchée dans un 1er temps en tant que directrice adjointe salariée en CDI et missionnée pour gérer la paillasse et l’accréditation d’hémato-cytologie et d’immuno.
Je me suis associée en rachetant 5% de la société en 2020 via une SPFPL. Nous sommes 8 biologistes avec une très bonne entente ou chacun peut travailler et s’investir dans les domaines qui lui plaisent (informatique, métrologie, technique, qualité, RH, communication, relations extérieures etc). Je travaille aussi sur plusieurs sites pré-post analytiques. Nous avons intégré le réseau LBI en 2019 afin de bénéficier de la centrale d’achats mais aussi de toutes les opportunités de mise en commun des fonctions support (communication, qualité, RH, réunions de retour d’expériences de biologistes etc.) qui sont absolument indispensables pour que des labos de notre taille puisse rester indépendants. Cela crée une émulation nationale et régionale conséquente et stimulante. Donc je ne regrette absolument pas d’être allée dans le privé, cela correspond tout à fait à mon profil (même si mon poste en CH était super aussi).
Une Bio, Présidente de CPTS (Communauté Professionnelle Territoriales de Santé), ça en jette non ?
Oui, je pense que c’est plutôt rare, mais c’est aussi énormément d’investissement ! L’objectif ultime de l’accréditation à 100% étant atteint, j’ai eu envie de m’investir dans un autre projet. Mon site pré-post préféré étant en zone démographique médicale très sous dotée, mon but premier était de redonner de l’attractivité au territoire pour re-dynamiser et faire venir des nouveaux médecins. Au même moment une équipe d’une MSP (Maison de Santé Pluridisciplinaire) du village voisin était en train de monter une CPTS en impliquant tous les professionnels de santé libéraux du territoire, je les ai rejoints et on bosse sur le projet depuis 2020. J’ai un profil plutôt moteur alors ils m’ont proposé d’être présidente lors de l’élection du bureau.
Je gère beaucoup l’aspect associatif, recrutement, et gestion RH d’une salariée en lien avec l’avocat, assemblée générale, conseil d’administration, réunions de bureau, réunions avec la CPAM et l’ARS…
Un biologiste peut tout à fait trouver sa place dans les CPTS à condition d'être motivé et de montrer son dynamisme, sinon on peut facilement être oublié. Nous avons un rôle à jouer dans toutes les missions, nous pouvons nous intégrer dans les projets de SNP, dans les parcours de soin, dans les missions de prévention, dans les plans de crises sanitaires.
A mon sens le plus important est de créer du lien notamment avec les prescripteurs, de faciliter l’exercice pluri-professionnel, de donner de la visibilité à nos labos, la communication étant très importante à notre époque, et de connaitre les rouages du système de santé français.
Ma CPTS compte actuellement 110 adhérents avec un noyau dur constitué par le bureau et d’une vingtaine de pro motivés, et je sais que grâce à ça, je peux très facilement dialoguer avec les médecins et les autres pros, IDE, pharmaciens, sages femmes et vice versa. Le biologiste devient connu et reconnu.
Peux-tu nous donner des exemples, au niveau biologique ?
- Dans le parcours de soin ostéoporose, j'ai fait acter le bilan bio de 1ère intention avec une ordonnance type disponible dans Weda, le logiciel de tous les pros de santé adhérents
- Nous montons un centre de Soins Non Programmés avec possiblement de la biologie délocalisée, en réflexion aussi dans nos MSP adhérentes
- Organisation l’année prochaine d’une journée prévention santé de la femme en complément d'Octobre Rose avec des conférences diverses, notamment une sur le microbiote vaginal et prévention en lien avec une pharmacienne, et des sessions de dépistage HPV avec les sages femmes
- Participation aux réunions avec les élus locaux, départementaux et avec les députés sur le développement de l'attractivité du territoire, afin de recruter des médecins et des IPA, et donc de dynamiser le secteur
- Interview par des journaux et radios locaux
- Travail sur les protocoles de coopération/délégation pour le suivi des traitements AVK dans nos MSP, généralisable ensuite au territoire de la CPTS (idem pour les antibiothérapies, projet futur)
Les possibilités sont multiples.
Il est essentiel que les biologistes soient pro-actifs dans ces associations, CPTS ou MSP. Et cela crée une vraie importance des biologistes des sites pré-post.
Aurais-tu un conseil à donner aux jeunes qui hésitent à choisir la spé ?
La bio est une spé très vaste avec vraiment plusieurs parcours possibles selon ses envies, on peut être très technique et scientifique, faire de la recherche, de la direction, de l’entreprenariat, du relationnel. C’est une vraie spécialité médicale, nous sommes des experts du diagnostic et il appartient à chaque bio de rester proches des patients et des prescripteurs, qui sont très demandeurs de nos conseils, même si cela est souvent peu visible du grand public.
De ce que j’observe il n’est pas forcément utile de se sur-spécialiser pendant son internat pour faire de la bio privée, sauf dans des spécialités très précises comme par exemple la PMA ou la génétique, ce qui pourrait intéresser certains plateaux techniques. Les biologistes polyvalents sont très recherchés. Le secteur est toujours en plein mouvement, il y a beaucoup de créations de sites ce qui peut être très motivants. Les labos sont encore très rentables et le métier très rémunérateur avec une qualité de vie appréciable.
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Charlotte Guyon
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